Niveau estimé : moyen à difficile.
Il y a des pistes, mais ça peut être long, c'est la principale difficulté. Obtenir des réponses me semble là aussi compliqué, quoique le silence en la matière pourra en dire long.
Résumé : Nasr Eddine Boutammina a écrit un livre déroutant. Il y explique que Platon en tant que figure historique est une fabrication de la renaissance. En gros, au moment du gros boom de l'imprimerie, nous avons assisté (et c'est à mon sens factuel) à un basculement des pôles intellectuels : le savoir et les innovations sont passés du monde arabe au monde européen. Pendant ce boom de l'imprimerie, l'auteur nous explique que le monde européen a, en quelque sorte, réécrit son passé, et ce faisant son histoire. Ainsi, la fameuse redécouverte du monde hellène serait en vérité – au moins en grande partie – une entreprise de réaffirmation idéologique face au monde arabe déclinant. L'auteur le plus incontournable de cette période, Platon, pourrait n'avoir jamais existé (thèse implicite), où plutôt Nasr Eddine Boutammina s'attache à nous montrer que l'auteur n'a pas pu écrire l’œuvre qu'on lui attribue.
La raison ?
Il est censé avoir écrit de nombreux livres, et ce faisant des milliers de pages. Or... les livres n'existaient pas à l'époque. Il n'y avait pas de « livres » en tant que supports de l'écriture. Du coup... bon courage pour écrire autant. C'est bête, mais ça donne à réfléchir. |
Commentaire :
Si l'ouvrage de Nasr Eddine Boutammina est extrêmement intéressant et semble rigoureux au possible, ses déclarations ont les allures de bombe atomiques et méritent donc un rééxamen.
De plus, j'ai rencontré quelques problèmes à la lecture de l'ouvrage à l'époque.
– Nasr Eddine Boutammina nous dit qu'il n'existe « aucune trace » d'un quelconque écrit de Platon. Pas de livre, de papier, papyrus, parchemin, tablette, gravure. Pourtant j'aurais aimé qu'il nous communique ses tentatives pour obtenir de tels exemplaires. On aurait préféré qu'il nous dise qu'il a expressément fait des demandes ou bien qu'il nous parle des endroits où il s'est renseigné et où il a fait chou blanc.
– Dans le même ordre d'idée, Nasr Eddine Boutammina nous dit qu'il n'existe « aucune trace », pourtant je me rappelle vaguement d'un article internet qui parlait d'un document authentique qui était une sorte de trace de l’œuvre platonicienne justement. De mémoire il était exposé en vitrine et l'article doit être retrouvable sur le net avec quelques mots clés.
Remarque : Cela dit, attention. Qu'une telle page existe « n'invalide en rien la thèse de Nasr Eddine Boutammina ». Pourquoi ? Selon les éditions, l'auteur montre que l’œuvre peut monter jusqu'à 5000 pages, ce n'est pas rien. On se demande bien à cette époque comment Platon a pu autant écrire, et s'il faut résumer grossièrement la thèse, le support le plus adéquat à l'époque aurait été le papyrus. On veut voir de telles choses.
– Justement, le papyrus. Nasr Eddine Boutammina nous dit que le papyrus est soumis à un contrôle strict de pharaon. Pour autant, est-ce impossible d'en obtenir ? Il ne dit que très peu de choses sur ce point. Ça ne résoudrait pas le problème intégralement mais cela pourrait faire avancer la réflexion sur les possibilités de l'époque.
OBJECTIF : tirer cette histoire au clair. Vérifier si l’œuvre de Platon existe, et si elle existe, si elle n'a pas été dopée artificiellement.
Pistes proposées :
– Vérifier l'existence d'archives.
– Si les archives existent, vérifier leur authenticité. Elles doivent être abondantes, sur un support adéquat, peut-être même qu'on en entend parler dans l'histoire. Essayer de se demander si ce ne sont pas des faux, par précaution.
Remarque : la question du support est importante. Il doit être facilement fabricable en terme de coûts et de temps/efforts, et il doit être capable d'accueillir une littérature aussi abondante. Ça doit être crédible.
– Lire le livre de Nasr Eddine Boutammina, évidemment. Voire le contacter.
Remarque : Attention, tirer cette affaire au clair n'implique pas d'épouser la thèse de Nasr Eddine Boutammina. D'autant plus qu'elle s'accompagne de thèse subsidiaires sur les causes de l'efficacité de la science arabe. Ce n'est pas notre problème (car cela pourrait indirectement être un sujet à part ! Tourné différemment...), ce qui compte ici, c'est de savoir si l’œuvre de Platon existe ou non, ou à minima, si elle n'a pas été gonflée artificiellement.
– Vérifier l'une des assertions de Nasr Eddine Boutammina sur l'obtention difficile du papyrus soumise au contrôle du Pharaon.
– Accessoirement, se poser la question du rôle de Gémiste Pléthon, qui aurait pu inventer ou se réapproprier le personnage de Platon dans une mystification grandiose.
S'il est avéré que l’œuvre n'existe pas, alors nous pourrons légitimement redéfinir les notions de science, vérité, réalité, histoire et passé. Il ne faudra pas en faire une maladie ! Il n'y a rien de grave à « perdre un penseur », d'autant plus que la perte ouvrira en fait le champ à de nombreuses questions.
Si l’œuvre existe, alors on en saura plus sur ses origines, ce qui est toujours un plus.
Bon courage !!!
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